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Le succès d’une aventure irréalisable : récit de l’entrepreneur Michel Baur

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Se lancer dans une passion peut souvent ressembler à une quête impossible. Mais comme l’écrivait Saint-Exupery :

L’impossible recule toujours lorsque l’on avance vers lui

C’est ce que fait aujourd’hui Michel Baur, un passionné pour le Safran. Son ambition : inverser la route des épices en cultivant du Safran sur les volcans d’Auvergne pour l’exporter vers l’Asie.

Pour se faire, il a lancé une collecte sur la plateforme Ulule (à laquelle je participe). Donc si vous voulez vous joindre à moi pour soutenir ce projet n’hésitez pas à le faire via le lien suivant.

Safran des Volcans

Voici son beau témoignage pour cette belle aventure humaine et écologique.

Vous allez commencer le récit de votre aventure entrepreneuriale. Si vous deviez le publier, quel serait le titre de l’ouvrage ?

Le succès d’une aventure irréalisable.

 

Racontez-nous une anecdote qui vous a amené à entreprendre (illustrez avec une image ou un objet cette histoire).

La toile de fond est sans aucun doute mon goût pour le partage, pour le plaisir de découvrir et de faire découvrir. J’aime la cuisine et la gastronomie, toutes deux permettent  ce partage.

J’arrive à une période de la vie où il serait « normal » d’aspirer à se consacrer à soi et surtout à des choses qu’on n’a pas pu faire « avant ». C’est exactement ce que commence à faire : je suis devenu le capitaine d’une petite entreprise, d’une aventure qui me permet de relever un nouveau défi.

Une suite de quelques événements éclectiques, presque anodins, a déclenché ma décision d’entreprendre : un repas et un thé au Safran en Orient, j’ai alors découvert ce produit ; le mystère et la fascination qui entourent ce produit en Occident bien qu’il soit mal connu et mal utilisé ; puis le fait que je dispose d’une ancienne prairie dans le Parc Naturel des Volcans d’Auvergne pour produire plus de Safran, qui a tout naturellement mené au dépôt de la marque Safran des Volcans et à la création d’une exploitation agricole. Pour faciliter et développer la commercialisation du Safran et de produits dérivés, l’étape suivante est évidente : la création d’une entité commerciale.

 

20131014_samovar_jhJ’ai découvert le Safran et sa culture familiale il y a trente ans, en partageant un repas et un thé dans un petit village kurde du nord de l’Irak.

Je me suis alors promis d’en cultiver plus tard dans mon jardin potager. J’ai planté du Safran, j’en ai offert aux amis et collègues, tous sont fascinés par l’épice que j’ai fait découvrir, tous veulent l’essayer et découvrent le véritable Safran en pistils (Pas cette chose qu’on trouve généralement en Europe : une poudre sans âge et sans indication de date de production, décolorée par le temps, conditionnée en emballage plastique et n’ayant souvent qu’un pouvoir colorant).

Je décide alors d’en cultiver un peu plus. Puis une courte réflexion me mène à me demander pourquoi « un peu » plus. L’attrait unanime manifesté par mes collègues ou amis existe chez énormément de gens, y compris chez ceux qui n’en achètent pas encore car ils le croient inaccessible. Et ceux qui connaissent et utilisent déjà le Safran sauront apprécier le goût et la qualité supérieure de mon Safran par rapport à celui qu’ils utilisent et qui provient le plus souvent du Maroc ou d’Iran.

Pour compléter la transparence et confirmer la qualité de mon Safran il faut que je fasse savoir qu’il est cultivé à petite échelle, de manière irréprochable et qu’il ne subit aucun traitement : j’ai demandé un audit, dont la conclusion est la certification « Safran Biologique » par Ecocert et l’Agence Bio au troisième trimestre 2013.

Mon Safran sera analysé en fin de récolte, en décembre 2013, par un laboratoire indépendant selon la norme ISO 3632-1:2011 puis classé selon la norme AFNOR correspondante.

Faire découvrir et proposer des produits dérivés est la suite logique de la démarche et un nouveau débouché : je vais faire aménager un laboratoire pour pouvoir travailler le Safran et les produits au Safran dans un local agréé et respectant les dernières normes française et européenne, en matière d’hygiène par exemple.

Le souhait initial de cultiver quelques bulbes de Safran pour mes propres besoins culinaires s’est donc graduellement changé en un projet de commercialisation de produits très haut de gamme, destinés à des clients nationaux et à une clientèle étrangère choisie.

 

Une aventure n’est pas sans péripéties et rebondissements. Quels ont été les difficultés ou problèmes auxquels vous avez fait face ?

 

Quel que soit le type d’activité dans lequel on se lance, la caractéristique principale du passage de salarié au statut d’entrepreneur est le transfert de responsabilités : les clients deviennent mes clients, les partenaires deviennent mes partenaires, les fournisseurs deviennent mes fournisseurs, les employés deviennent mes salariés … Ce qui était assumé et géré par le service Achats, le service Juridique, le marketing ou le service du Personnel deviendra ma préoccupation quotidienne. La moindre anicroche aura forcément un impact direct sur mon activité ou mes coûts : je percevais le même salaire, quelles que soient les difficultés de mon employeur, chaque problème quotidien était géré par une équipe de professionnels et experts. J’apprenais souvent l’existence d’un problème lorsqu’il était déjà résolu.

J’en suis conscient et je suis serein car avant de me lancer dans la création de mon activité j’ai passé des mois à calculer la charge de travail, les besoins financiers, à recenser les clients potentiels et les circuits de commercialisation pour chaque type de produit, les coûts de revient et marges et à planifier les jalons qui marqueront chaque étape. J’ai un bon plan d’actions et une bonne chronologie des étapes clés et j’ai bien défini les priorités, y compris les plans B.

L’aventure commence, je prends contact avec plusieurs producteur de bulbes de safran, j’en sélectionne deux et je suis invité chez celui que je sélectionne finalement. Nous échangeons longuement, il me fait visiter son exploitation, nous partageons nos expériences, le courant passe bien, affaire conclue !

Je passe ma commande le 2 mars 2013, je confirme par le versement d’arrhes (1600 euros), la livraison de 20 000 bulbes certifiés bio s’effectuera le 6 juillet 2013 car le fournisseur a planifié sans problème de les déterrer en juin. J’ai tout le temps de préparer mon terrain, de confirmer ma demande de congés pour juillet pour planter les bulbes. Problème réglé !

Quelques échanges  de messages jusqu’en juin et je reçois le 3 juillet un court message de ce fournisseur idéal : nous avons des difficultés imprévues, la livraison ne pourra pas se faire avant fin août.

Fin août ! Impossible pour moi : depuis février on sait que la livraison doit se faire le 6 juillet, la période de plantation du safran est juillet ou août, tout le monde le sait, et j’aurai repris mon travail après mes congés de juillet (qui ne peuvent plus être déplacés car mes collègues ont fait leurs réservations de vacances), la météo début septembre est aléatoire et planter 20 000 bulbes à la main, un peu chaque soir après le travail, seul  et sous la pluie serait un calvaire. La production de safran en automne 2013 serait compromise, je n’aurais pas assez de produit pour constituer mon stock initial.

Il faut, on doit, trouver une solution, au besoin des livraisons partielles de bulbes commençant en juillet.

Tout avait été réglé, validé, confirmé, jusqu’au dernier moment ! Mais impossible d’arriver à un arrangement, le fournisseur est inflexible, lui aussi a subi des imprévus.

Point rapide de la situation :

– je dois récupérer le chèque de 1600 euros remis à un fournisseur pas fiable,

– je suis devenu le client rêvé : j’ai besoin de 20000 bulbes bio, denrée rare en cette fin de saison,

– je suis même un client idéal, mon besoin est urgent et absolument vital pour mon activité 2014, je suis pris à la gorge.

Je me lance donc dans de fastidieuses recherches de fournisseurs, je passe des heures à recenser les producteurs de bulbes bio (ça aurait été plus facile si je n’était lancé dans la culture des radis !) à envoyer des mails, à téléphoner.

Je trouve finalement un seul fournisseur qui serait prêt à déterrer la moitié des bulbes dont j’ai besoin et je pourrais passer les chercher sous une semaine (800 km aller-retour). Les 10000 autres bulbes pourraient être disponibles sous trois semaines.

Les conditions de paiement, pas négociables : règlement 100% d’avance pour l’intégralité de chaque commande de 10000 bulbes.

J’hésite 3 ou 4 secondes et j’accepte. Je n’ai pas le choix ni d’alternative.

Moralité : j’ai appris que même en prenant toutes précautions utiles, des transactions simples, validées et prévues de longue date par les deux parties, sont dépendantes d’éléments extérieurs sur lesquels je ne peux pas influer.

 

Quels sont les 3 éléments indispensables aujourd’hui pour vous pour entreprendre ?

Entreprendre est pour moi un engagement pour concrétiser une idée, un concept, un produit.

La passion pour tenir et rendre le rêve réalisable

L’idée et l’objet doivent être bien évidemment vendables, ils doivent surtout être une partie de soi.

Je ne pourrais pas me lancer dans une telle aventure, en vanter quelque chose dont je ne me sers pas, quelque chose qui ne me plairait pas, me laisserait indifférent ou ne me ferait pas rêver. Il faut être porté par une passion.

Le safran évoquait pour moi les légendes, les caravanes parcourant des milliers de kilomètres, les mystères de l’Orient, les convoitises, dangers et intrigues multiples.

Le Safran est aujourd’hui une passion raisonnée mais constante et exaltante, qui me permet de réaliser une vielle promesse à moi-même en travaillant non plus pour un employeur mais avec la nature. Un travail quotidien dont le résultat final n’est jamais garanti où aucune saison ne ressemble à la précédente.  Tout ceci fait partie de l’aventure et la pimente.

Une épopée insoupçonnée pour que quelques décigrammes d’or rouge viennent sublimer une soirée tranquille autour d’une table garnie de plats raffinés.

20131014_outilLes bons outils pour faire un bon produit

Mes outils pour cultiver le safran sont rustiques et ancestraux car tout est manuel et délicat. On travaille le vivant !

L’outil qui donnera naissance au Safran des Volcans est la Terre des volcans.

Ceux qui le feront croître et s’épanouir sont les éléments naturels, le soleil, la pluie, le chaud, le froid. Tous ces éléments du terroir détermineront chaque année les caractéristiques d’un excellent ou bon millésime.

L’outil du minutieux désherbage manuel est simple, presque inattendu, en harmonie avec la nature.

 

La technique

Sur le terrain la technique repose sur des principes et gestes traditionnels simples pour cultiver la terre,  planter, entretenir et récolter au rythme et avec la nature. Il serait d’ailleurs illusoire de tenter d’obtenir un résultant excellent en adoptant une technique de culture … contre nature.

La dernière phase d’un processus est souvent déterminante. J’ai suivi et pris soin du Safran de sa plantation à son éclosion. L’intervention essentielle et purement humaine survient en fin de cycle, au moment du séchage et du conditionnement.

La technique de séchage influe directement sur la qualité finale de l’épice. Le séchage doit survenir aussitôt après la cueillette et sera le plus court possible. Il faut pourtant aussi obtenir le taux résiduel d’humidité qui permettra de prétendre au classement en première catégorie.

Ce séchage peut donc parfaire ou compromettre la qualité du Safran en pistils et le travail d’une année.

Les  protocoles de la norme ISO 3632-1:2011 sont la référence pour les analyses et le classement annuel du Safran. Le taux de picrocrocine du Safran détermine le goût de l’épice, son odeur dépend du taux de safranal et le taux de crocine lui donne son pouvoir plus ou moins colorant.

Verdict fin décembre pour le Safran des Volcans cuvée 2013 !

Comment faites-vous pour mener ce projet alors que vous avez des responsabilités dans une autre entreprise en tant que salarié ?

Je travaille dans les services financiers chez Michelin.

J’ai depuis longtemps expliqué mon projet à mon employeur et j’ai pu me lancer avant ma retraite dans l’aventure du Safran grâce aux nombreuses facilités qu’il m’a accordées.

Le temps à consacrer à mon activité professionnelle « secondaire » dépasse largement la durée des congés payés annuels.

Je devais pouvoir planter les bulbes de safran en juillet. Ma présence quotidienne sur le terrain est indispensable aussi pendant la récolte des fleurs de Safran, qui s’échelonne de début octobre à mi-novembre.

Parmi les mesures prises pour mener de front mes deux activités : j’ai changé de responsabilités pour ne plus devoir être présent au bureau chaque début de mois ; j’ai pu convertir en congés les 13èmes mois de deux années consécutives ; j’ai aussi bénéficié d’une grande flexibilité lorsque j’ai eu besoin d’une journée de congés pour un rendez-vous imprévu.

Cette double activité présente l’avantage d’un revenu régulier pendant la phase de démarrage de mon entreprise. Je continue de percevoir mes salaires chaque mois pendant cette phase d’investissements et de création, malgré le temps de présence réduit chez mon employeur.

Si vous n’aviez qu’un seul conseil à retenir de votre aventure entrepreneuriale, lequel serait-il ?

Soyez passionné sinon vous ne tiendrez pas ! Préparez-vous à parfois devoir mettre de côté ce qui a toujours été une partie agréable de votre vie : voyages, famille, soirées entre amis, grasses matinées et weekend au ski.

Avez-vous aimé son histoire ? Vous pouvez l’aider à réaliser son rêve en participant à sa collecte sur Ulule en vous rendant sur le lien suivant.

Par Jérôme HOARAU

Jérôme Hoarau est conférencier en soft skills (Jerome-Hoarau.com) et est co-organisateur du championnat de France officiel de Lecture Rapide et de Mind Mapping. Il a obtenu plusieurs titres de sport du cerveau tels que :
- Champion du monde de Mind Mapping 2018
- Champion du Royaume-Uni de Mind Mapping 2019
- Vice-champion du Royaume-Uni en Lecture Rapide 2019
Il est le co-auteur des livres "Les Gentils aussi méritent de réussir" (Alisio) et de "Soft Skills (Dunod). Il a également co-fondé le site PassiondApprendre.com.

Une réponse sur « Le succès d’une aventure irréalisable : récit de l’entrepreneur Michel Baur »

Très bon message de fin.

Il faut savoir et pouvoir trouver du temps pour developper son projet.

Rien de mieux que d’aller supprimmer toutes ces heures libres qui pourront être rattapé plus tard lorsque l’entreprise sera déjà solidement établi.

Il ne faut pas oublier qu’il est primordial de se détendre aussi de temps à temps.

Amicalement,

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