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Interview des entrepreneurs fondateurs du cabinet de conseil en design d’affaires Efficience au Québec (1)

Bonjour à tous,

Voici la première partie de l’interview de deux entrepreneurs québécois que j’ai eu la chance de rencontrer lors de mes études au Québec. Il s’agit de Jonathan Jubinville et de David King-Ruel qui ont fondé le cabinet Efficience en design d’affaires (ils ont tous les deux fait les mêmes études que moi il y a 2 ans 😉 ).

Ça parlera beaucoup entrepreneuriat et développement durable 🙂

Bonne lecture à tous et merci  à David et Jonathan pour l’interview.

Pourquoi entreprendre : Bonjour à vous ! Merci d’avoir accepté l’entrevue sur Pourquoi entreprendre. Avant de commencer, pourriez-vous vous présenter ?

Jonathan : Bonjour, Je suis Jonathan Jubinville, associé fondateur de la société de conseil efficience. Mon parcours est plutôt atypique. J’ai fait ma période collégiale (la période pré-BAC par rapport à chez vous) ici à Sherbrooke en informatique de gestion. D’abord enthousiaste des possibilités offertes par le développement technologique, mon intérêt pour ce domaine s’est avéré trop limité pour que j’en fasse ma profession. Comme je souhaitais poursuivre mes études, j’ai décidé de changer d’orientation pour faire un BAC en études politiques, spécialisé en relations internationales (l’équivalent de la licence en France).

Entre temps, j’ai pu toucher à la gestion de projet pour Bell Canada et développer des outils permettant de simplifier la prise de décision chez les gestionnaires de projets. Ça m’a surtout fait prendre conscience de mon intérêt pour la gestion de projets en son sens large. Dans cette lignée, j’ai choisi la maitrise en gestion du développement durable à l’Université de Sherbrooke. J’ai donc suivi le cursus, une année de cours et une année pour la rédaction de mon essai. Durant la période de rédaction, je suis resté 4 mois en France pour un stage dans le secteur des énergies renouvelables. J’ai eu l’occasion de participer à la conception et la gestion d’un projet de production d’énergie électrique (biogaz) et d’éthanol cellulosique. J’ai d’ailleurs eu cette opportunité grâce à un exercice pendant ma scolarité en France pour lequel j’ai été amené à travailler avec la future société qui allait m’embaucher. C’est lors de mon retour au Québec à l’automne 2009 que David et moi avons entrepris de fonder efficience.

David : Mon parcours c’est un peu l’inverse de celui de Jonathan. J’ai suivi une formation de gestion depuis le début, mais avec une manière différente de penser. Mes cours de philosophie ont eu de gros impacts sur moi.

J’ai commencé mes études supérieures à HEC Montréal en gestion (finance, marketing …). J’étais très impliqué dans une association étudiante en développement durable avec un regard critique sur l’université. J’ai poursuivi mes études en Suède avec des cours plus orientés DD (Développement Durable), ce qui a fait grandir ma passion pour ce domaine. De retour au Québec, j’ai voulu travailler, mais cela c’est plutôt mal passé. Du coup, j’ai décidé de reprendre mes études et j’ai opté pour la maitrise en gestion DD à l’Université de Sherbrooke.

J’ai toujours su que je voulais devenir entrepreneur. La maitrise m’a ouvert la voie, surtout avec notre projet « Resto Vert », qui est devenu un des projets proposés par notre entreprise. Efficience est née des projets, et pas l’inverse.

Jonathan : Efficience est devenu plus gros qu’on ne le pensait. C’est devenu un outil pour changer de paradigme, pour donner du sens aux projets que nous imaginons. L’objectif principal est que le nouveau paradigme de Développement Durable devienne réalisable dans toutes les sphères de la société, ce qui inclut les entreprises.

Pourquoi entreprendre : C’est quoi la particularité d’efficience par rapport aux autres boites de consulting ?

David : Pour répondre brièvement, une boîte de consulting Développement Durable va apporter une solution venant de l’ancien paradigme, applicable maintenant. Pour elle, c’est la solution qui est importante plutôt que le processus en lui-même.

Jonathan : C’est un peu du DD 1.0 et du DD 2.0. Aujourd’hui ce qui marche, c’est une consultation qui accompagne l’entreprise à résoudre ses problèmes ou à améliorer sa performance environnementale ou sociale : on agit sur les moyens. Or, on ne touche pas au modèle de l’entreprise, de la fin en tant que telle.

David : Aujourd’hui le consulting DD fait un diagnostic. Efficience questionne plutôt le sens, elle va beaucoup plus loin et ne travaille pas seulement sur l’impact environnemental.

Jonathan : On n’a pas encore eu l’occasion de communiquer davantage là-dessus. Mais on se rend compte que se questionner sur le sens de l’entreprise est extrêmement dérangeant parce que ça peut être considéré comme une menace. Une entreprise existante dans le paradigme actuel pourrait devoir ne plus exister dans le paradigme émergent. Il faudrait réformer son modèle actuel pour lui permettre de survivre à long terme. Aujourd’hui les objectifs des entreprises sont à courts termes et quand il y a une planification stratégique sur 5 ans, ils trouvent ça déjà long alors que pour nous, long terme c’est plutôt 25 voir 30 ans.

David : Le danger aussi c’est d’être trop critique. Et on ne peut pas extraire le développement durable du modèle d’affaire. Il faut que le DD fasse partie intégrante du modèle d’affaire de l’organisation. Le problème avec la consultation en développement durable aujourd’hui c’est que le conseiller classique se focalise sur une tâche alors qu’il est nécessaire de conserver une vision globale. C’est pour cela que nous ne voulons pas faire seulement du DD mais aussi travailler accompagner l’organisation sur l’ensemble de son modèle d’affaires afin d’en faire du sens dans un monde soutenable.

Jonathan : Le développement durable est souvent résumé aux trois sphères économique, sociale et environnementale et du coup, s’il n’y a pas de rentabilité économique on ne fait rien. On en veut pas faire moins d’argent, pourtant l’adoption d’un modèle d’affaires soutenable peut nécessiter des ressources considérables qui ne trouveront leur sens qu’une fois le changement de paradigme accompli. On ignore quand ce paradigme fera partie intégrante de notre culture mais il est clair que ça devra arriver.

Pourquoi entreprendre : Si j’ai bien compris, vous ne vous inscrivez pas dans le courant DD actuel. Où vous situez vous donc par rapport à cela ?

David : Le développement durable, tel que certains le conçoivent aujourd’hui, est vide de sens. On fait du recyclage alors qu’on continue de faire de l’usage unique. On fait de l’énergie renouvelable pour continuer de chauffer des habitations mal isolées. À mon avis, il faut créer un nouveau paradigme pour donner du sens au DD et arrêter les incohérences d’aujourd’hui. Il ne faut pas tenter continuellement de hiérarchiser les concepts, on devrait plutôt les voir de manière complexe, comme un nuage de relations dynamiques.

Jonathan : Il est inconcevable de continuer les activités humaines et détruire nos systèmes sans y réfléchir un minimum. Il y a déjà de belles initiatives et de plus en plus d’organisations prennent conscience de leur rôle. Il est essentiel de favoriser la collaboration afin d’accélérer l’émergence d’un modèle soutenable.

David : Pour vendre le DD, une agence de conseil en DD classique n’est pas dans un autre paradigme et propose des solutions orientées profit. Efficience agit de manière différente.

Jonathan : On est pris dans cette dualité en voulant favoriser le paradigme émergent mais sans vouloir travailler contre les gens. On ne veut pas tuer le DD.

David : Efficience donne du sens et ne donne pas de solutions préconçues comme c’est souvent le cas aujourd’hui en DD.

Jonathan : On crée et propose directement nos projets. On leur donne une vision et on réfléchit à leur sens dès le début pour s’assurer de leur cohérence. Comme exemple, notre projet de panneaux créatifs au Québec. http://www.efficience.ca/panneauxcreatifs.html. On redonne le sens aux panneaux : sauver des vies.

David : Donner du sens c’est rendre les choses beaucoup plus résilientes et plus solides. C’est vraiment extraordinaire, et c’est pourquoi nous nous focalisons sur ce but : donner du sens aux choses, aux projets. Cela permet également mieux les valoriser.

Pourquoi entreprendre : Comment définissez-vous donc votre paradigme ?

Jonathan : Il est très influencé de pensée systémique. C’est analyser les impacts des actions sur les systèmes environnementaux, sociaux, économiques… Au final, il s’agit de choisir les actions qui ont des impacts non pas les moins négatifs possibles mais les plus positifs possibles.

David : J’ajouterais que ce serait de quelque chose de très humain, valoriser l’évolution humaine au mieux et que cela se traduit dans le business.

Jonathan : Cultiver une ouverture d’esprit …

David : Notre paradigme ne hiérarchise pas nos valeurs, mais est constitué d’un système de valeurs sous forme de nuage sans liens directs ou hiérarchiques.

Jonathan : Il faut également se focaliser sur la qualité de vie. Elle est souvent réduite  à un confort matériel. C’est dans notre culture, on nous apprend qu’une vie réussie c’est la jolie maison, le cinéma maison, la piscine et la belle voiture en banlieue de Montréal. Je pense que le terme de qualité de vie doit être redéfini car je ne suis pas sûr que ce modèle nous permette d’être vraiment plus heureux ni même d’assurer la pérennité de l’espèce humaine.

Il devient essentiel de réfléchir à la nature de nos besoins et en définir les moyens selon les principes du DD. Un exemple assez simple : Pour beaucoup de gens, le transport est immédiatement identifié à la voiture alors qu’il y a beaucoup d’autres alternatives avec des impacts davantage positifs. Dans cet exemple, le besoin est un besoin de transport, le moyen est la voiture. Connaissant déjà l’inefficacité de la voiture, il devient essentiel de trouver des moyens de transport plus évolués sans perdre de vue les autres secteurs qui ont aussi un impact majeur comme l’aménagement urbain.

David : Pour moi un paradigme c’est de savoir ce qui a du sens. Qu’est-ce que la création de richesse, le bonheur ?

La suite dans cet article

Par Jérôme HOARAU

Jérôme Hoarau est conférencier en soft skills (Jerome-Hoarau.com) et est co-organisateur du championnat de France officiel de Lecture Rapide et de Mind Mapping. Il a obtenu plusieurs titres de sport du cerveau tels que :
- Champion du monde de Mind Mapping 2018
- Champion du Royaume-Uni de Mind Mapping 2019
- Vice-champion du Royaume-Uni en Lecture Rapide 2019
Il est le co-auteur des livres "Les Gentils aussi méritent de réussir" (Alisio) et de "Soft Skills (Dunod). Il a également co-fondé le site PassiondApprendre.com.

3 réponses sur « Interview des entrepreneurs fondateurs du cabinet de conseil en design d’affaires Efficience au Québec (1) »

A peine le temps de laisser un commentaire qu’un nouvel article intéressant vient de faire son apparition 🙂

NB: à propos d’interview, Jérôme… je te propose d’en faire une à ton tour 🙂

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